Après avoir évoqué les effets positifs de l’exercice physique sur la mémoire chez l’adulte, voici un aperçu de ses bénéfices sur l’attention, et plus précisément dans le traitement du TDAH.
Le TDAH
Le diagnostic de TDA/H (trouble dysfonctionnel de l’attention avec ou sans hyperactivité) est généralement évoqué chez une personne quand elle présente les symptômes suivants depuis l’enfance et que cela a des conséquences négatives dans son quotidien :
- Manque de contrôle de l’attention, de concentration
- Grande distractibilité
- Impulsivité (comportementale ou cognitive)
- Agitation (motrice ou cognitive)
- Difficultés d’organisation
- Difficulté à réguler ses émotions
Pour plus d’informations sur ce trouble, je vous renvoie vers mon article sur le TDAH
Un trouble accentué par notre mode de vie ?
Bien qu’il y ait toujours eu des enfants beaucoup plus actifs et/ou moins attentifs que d’autres, on peut se demander si notre société actuelle ne favorise pas ce trouble et l’émergence de pseudo-TDAH.
D’une part, nous sommes constamment bombardés d’informations et de stimulations diverses, toujours plus distrayantes, via les écrans. Ainsi, beaucoup de personnes qui n’avaient pas de troubles de l’attention quand ils étaient plus jeunes se plaignent désormais de leurs capacités d’attention. Généralement, ces personnes passent trop de temps sur des applications comme Facebook, Twitter ou YouTube, conçues pour capturer un maximum notre attention le plus longtemps possible et stimuler le système cérébral de la récompense (système dopaminergique). Face à la tentation du Smartphone qui est toujours à nos côtés, se concentrer sur une tâche moins stimulante ou exigeante est beaucoup plus difficile. Pour ceux qui souffrent d’un véritable TDAH, c’est encore plus compliqué de résister à ce type de distractions quand il faudrait travailler ou étudier, en raison de leurs faiblesses fréquentes dans les fonctions exécutives (inhibition, planification, mémoire de travail…).
D’autre part, notre société est de plus en plus sédentaire. Beaucoup de jeunes ne se défoulent pas assez: ils sont conduits à l’école en voiture pour ensuite rester une bonne partie de la journée assis. Une fois à la maison, il y a les devoirs, puis très souvent les écrans. Les jeunes marchent et jouent de moins en moins à l’extérieur. Certains ont l’opportunité de pratiquer un sport, mais cette bonne habitude n’est pas toujours poursuivie à l’adolescence. Pour beaucoup d’enfants et d’adolescents, on est donc bien loin des 60 minutes d’activité physique quotidiennes recommandées. Des études montrent d’ailleurs que la capacité cardio-vasculaire des jeunes a diminué de 25% en 40 ans… Ainsi, en 1971, un collégien courait 600 mètres en 3 minutes, en 2013 pour cette même distance, il lui en faut 4. Or, comme nous allons le voir, cette sédentarité est délétère pour notre cerveau, et notre concentration, en particulier.
Mais pourquoi bouger serait-il bénéfique pour l’attention?
Effets de l’activité physique sur l’attention
Une étude de 2017 a passé en revue la littérature scientifique portant sur cette question. Il en ressort qu’immédiatement après une séance d’exercice cardio (course à pied, vélo, dance…), des effets bénéfiques sont observés chez des enfants TDAH. Plus précisément, on observe une amélioration des fonctions cognitives suivantes :
- la capacité d’inhibition
- le contrôle cognitif
- l’attention sélective
- la flexibilité
- la vitesse de traitement
- la vigilance.
Or, c’est justement ces fonctions cognitives qui sont généralement déficitaires ou plus faibles chez les enfants TDAH.
Les études ont même montré que l’amélioration temporaire de ces fonctions peut conduire à l’augmentation de certaines performances scolaires (juste après l’activité physique), notamment en compréhension à la lecture ou en arithmétique (domaines dans lesquels l’attention est très impliquée). Dans plusieurs études, parents et enseignants rapportent également une amélioration de certains comportements perturbateurs.
L’exercice cardio régulier aurait aussi des effets plus persistants sur la cognition. Plusieurs études ont, en effet, mis en évidence une amélioration à long terme de l’attention soutenue, l’attention sélective, la flexibilité, la planification, l’inhibition, la mémoire de travail verbale, la vitesse de traitement ou encore la coordination motrice chez des enfants avec TDAH.
En conclusion, que ce soit à court ou à plus long terme, l’activité physique comporte des bénéfices qui sont particulièrement intéressants pour les personnes TDAH.
Comment expliquer ces effets ?
En fait, l’exercice physique suffisamment intense et d’une certaine durée améliorerait le fonctionnement cognitif et comportemental des enfants avec TDAH en agissant sur le développement et la croissance des neurones, ainsi que sur les neurotransmetteurs.
En particulier, l’exercice augmente le taux de catécholamines (un groupe de neurotransmetteurs dont font partie la dopamine et la noradrénaline) qui serait typiquement réduit dans certaines zones du cerveau des personnes TDAH. Ces neurotransmetteurs en question jouent un rôle clé, notamment, dans la régulation de l’attention, la vigilance, les émotions et la motivation.
Des médicaments comme le Méthylephénidate, prescrit aux personnes avec TDAH, ont d’ailleurs un effet sur le taux de dopamine en inhibant la recapture des catécholamines, et particulièrement de la dopamine, et stimulent leur libération depuis les neurones en amont.
Autrement dit, l’exercice physique aurait des effets neurobiologiques à peu près similaires aux psychostimulants, en augmentant la disponibilité des catécholamines dans le cerveau. Mais à la différence des médicaments qui ont un effet temporaire, la pratique régulière d’une activité physique régulière pourrait avoir des effets durables sur le cerveau.
En conclusion, l’exercice physique régulier peut être une option à envisager dans la prise en charge du TDAH, particulièrement quand le traitement pharmaceutique veut être évité ou qu’il n’a pas les effets escomptés. Il est aussi vivement recommandé chez les personnes qui ne présentent pas de TDAH mais plutôt de l’anxiété ou un stress élevé, qui engendre aussi des difficultés attentionnelles.
Pour les enfants en particulier, il est primordial de repenser les habitudes de vie et de résister à la sédentarité de notre société actuelle. On peut notamment favoriser les activités physiques et le mouvement dans le quotidien :
- Privilégier la marche ou le vélo pour les petits déplacements
- Investir dans des jeux et activités en plein air (scout, trampoline, trottinette, panneau de basket, goal de foot…)
- Utiliser un ballon type Swiss Ball comme siège ou permettre à l’enfant de travailler debout (ex: avec un tableau au mur),
- Pratiquer un sport en club (min. 2 fois semaine)
- Se promener davantage à pied, à vélo
- Encourager des routines quotidiennes d’exercices à la maison : planches, pompes, squats…
- Danser avec ses enfants
A l’heure actuelle, si on ne favorise pas le goût de l’activité physique dès le plus jeune âge et de bonnes habitudes de vie, il sera très compliqué à l’adolescence de décoller l’adolescent des écrans !
Catherine Demoulin