Si importante et pourtant méconnue !
Le concept de mémoire de travail est parfois utilisé comme synonyme de mémoire à court terme, mais il fait plutôt référence à un système qui permet, non seulement de maintenir temporairement des informations, mais également de les traiter et de les manipuler.
Ce système comprend donc les mémoires à court terme verbale et visuo-spatiale (voir plus loin), ainsi que des processus de contrôle exécutif et attentionnel (un « administrateur central ») qui va permettre la manipulation de l’information.
La mémoire de travail est considérée comme une fonction cognitive essentielle pour le bon fonctionnement cognitif et les apprentissages scolaires. Elle est impliquée dans toutes les tâches cognitives complexes, comme le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification ou encore, la compréhension et la production du langage (parlé ou écrit). Comment, par exemple, comprendre un discours complexe sans avoir à l’esprit une série de concepts et de connaissances qu’il nous faut simultanément traiter ?
Chez les enfants, de nombreuses études indiquent que des faiblesses en mémoire de travail peuvent causer des difficultés dans les apprentissages complexes (mathématiques, lecture).
Certaines personnes peuvent également avoir de bonnes capacités en mémoire de travail mais des difficultés à résister aux interférences. Par exemple, dans quand on présente un Trouble Déficitaire de l’Attention (TDA/H) ou de l’anxiété, on éprouve généralement des difficultés à ignorer des informations non pertinentes à la tâche (distractions extérieures, pensées parasites, émotions, etc.), ce qui fragilise la mémoire de travail. C’est ce qui explique notamment pourquoi un élève peut n’avoir aucune difficultés à faire du calcul mental quand il est dans un environnement calme et sans pression, mais peut perdre tous ses moyens quand il est dans un environnement bruyant ou stressé.
Mémoire à court terme
Quand un.e neuropsychologue évalue la mémoire immédiate, il différencie généralement la mémoire à court terme de la mémoire de travail. Comme nous l’avons vu plus haut, la mémoire de travail est un système qui comprend les mémoires à court terme verbale et visuo-spatiale.
La mémoire à court terme est donc la fonction cognitive qui nous permet de simplement maintenir temporairement des informations. Elle est impliquée, par exemple, quand on doit retenir une liste de noms ou un numéro de téléphone que l’on vient de nous dicter ou qu’on vient de lire. On parle de mémoire à court terme verbale quand on peut verbaliser l’information à retenir (ex: chiffre, mot écrit, dessin d’objet…) et de mémoire à court terme visuo-spatiale quand l’information est visuelle et/ou spatialement organisée (ex: dessins abstraits, cubes disposés aléatoirement).
Les capacités de la mémoire à court terme sont limitées à quelques éléments. Ainsi, Georges Miller (1956) démontra que, lorsqu’une liste d’items est présentée, on ne peut généralement restituer correctement que 7 (+ ou – 2) items ou plutôt 7 chunks, des groupements d’items traités et mémorisés comme une seule unité. Par exemple, si je vous demande de me rappeler une suite de lettres comme M S F O N U F M I D S K, il y a fort à parier que vous regrouperez certaines suites de lettres (MSF – ONU – FMI – DSK). La mémoire à court terme repose donc également sur la mémoire à long terme. Il est d’ailleurs plus facile de retenir une liste de mots fréquents qu’une liste de mots rares ou inconnus.
Ainsi, étant donné la fragilité de notre mémoire à court terme, nous avons appris à mettre en place des stratégies pour maintenir l’information et éviter qu’elle ne disparaisse avec le temps. Une autre stratégie utilisée avec du matériel verbalisable (des mots, des lettres, des images d’objets connus…) est la récapitulation articulatoire. A partir de l’âge de 6-7 ans, les enfants commencent à répèter mentalement la séquence qu’ils ont vue ou entendue, tout comme les adultes.
Mais dans les situations où le recours à ces stratégies est empêché ou minimisé, le nombre maximum d’éléments pouvant être maintenus se situerait entre 3 et 5 (Cowan, 2001).
Que faire en cas de faiblesses dans ce domaine ?
Quand on présente des fragilités en mémoire de travail, il n’est pas évident de renforcer cette mémoire. Il existe des exercices qui implique cette mémoire mais même si on devient meilleur dans ce genre d’exercices, ce n’est pas pour autant que notre mémoire de travail sera plus efficace dans d’autres situations.
Il est donc important de travailler sur les stratégies de mémorisation comme la récapitulation mentale (répéter plusieurs fois les informations), le chunking (grouper des items ensemble) ou encore la visualisation pour des items verbaux (si vous devez mémoriser un liste de mots, en plus de les récapituler verbalement, visualisez des images d’objets les représentant) et la verbalisation pour des items visuo-spatiaux.
il est aussi essentiel de s’aider d’outils de mémoire externe (bloc note, agenda…)afin d’éviter de surcharger la mémoire de travail. L’écrit à été inventé de manière à palier aux faiblesses de notre mémoire: pour mieux réfléchir, il ne faut pas hésiter à déposer sur papier ce qui occupe de l’espace dans notre mémoire de travail limitée, surtout quand nous ressentons que nous sommes au bord de la saturation.
Mémoire de travail et ruminations
Vous arrive-t-il d’avoir des pensées qui tournent en boucle la nuit et vous empêchent de dormir? La réponse est sans doute affirmative. Il n’y a rien d’étonnant à cela.
Quand nous sommes confrontés à un problème, à une situation incertaine ou encore à un évènement émotionnel, notre cerveau cherche à traiter cet évènement. Et la nuit est souvent le seul moment disponible pour notre cerveau pour digérer, rejouer voire chercher des solutions… En effet, la nuit, nous ne pouvons pas nous distraire ou éviter les problèmes comme nous pouvons le faire en journée, et, par conséquent, la mémoire de travail se met à traiter en boucle certaines informations en vue de résoudre le problème… sans que l’on ait beaucoup de contrôle sur nos pensées.
Une piste de solution à cela est de déposer sur papier ces pensées. Ayez un bloc note sur votre table de nuit et noter ce qui vous préoccupe. Comme si on disait à la partie du cerveau responsable de ces rappels nocturnes : « c’est bon, merci du rappel, c’est noté, je n oublierai pas, je vais traiter ça demain, mais là, j’ai besoin de dormir. »
Ensuite, le lendemain, il est important d’affronter ces problèmes de trouver des pistes de solutions (seul, avec un proche ou avec l’aide d’un professionnel), sinon, il y a fort à parier qu’une partie de votre cerveau vous enverra régulièrement des « rappels nocturnes » à la mémoire de travail, comme quoi il reste des problèmes à régler.
Si cela ne fonctionne pas, l’hypnose peut également constituer une piste à explorer. Mais c’est un autre sujet.
Catherine Demoulin